Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager. [pv Grantaire :333]

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Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager.

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njolras se réveilla dans un piteux état, il s'était improvisé un lit de fortune à même le sol la veille au soir, et son corps n'avait manifestement pas apprécié cette situation peu ordinaire. Résultat d'une soirée arrosée ? Pas pour lui, non, mais pour Grantaire assurément. Quand il avait retrouvé ce dernier au sortir du Musain, ce dernier était définitivement dans un piteux état. Alors oui, Grantaire buvait le vin comme du petit lait, et il lui en fallait beaucoup pour se retrouver dans un état d'ébriété à ce point avancé, mais ça avait bel et bien été le cas, et Enjolras avait pris son ami en pitié et décidé de le conduire chez lui, avant tout pour s'assurer que Grantaire ne finirait pas sa nuit plus mal en point encore. Ils avaient survécu à l'insurrection, à la mort de leurs amis, ce n'était pas pour rendre un dernier souffle alcoolisé comme ça, bêtement, dans le caniveau. Pas question, non.

Encore une preuve, sans doute, peut-être, qu'Enjolras avait changé. Avant que les événements ne se précipitent et ne l'obligent à reconsidérer ses positions sur bien des choses, avant que son destin commun avec Grantaire ne l'attache presque inexplicablement à lui, en voyant le jeune homme dans cet état, il l'aurait sans doute abandonné à son sort, estimant qu'il ne méritait pas davantage et qu'il était responsable de son propre sort. Pas cette nuit-là. Il l'avait veillé comme on veille un mourant, s'était assuré régulièrement qu'il était encore en état de respirer, rien que ça... Il n'avait pas eu envie de le perdre, tout simplement, et encore moins à ce point bêtement. Et par ailleurs, il devinait que le spectacle de la veille détonnait de ce à quoi Grantaire avait bien pu l'habituer. Il allait mal, il ne fallait pas se leurrer, et il ne se mettrait certainement pas dans un tel état s'il n'était pas profondément mal et troublé. Chacun pensait ses blessures, physiques aussi bien que morales, comme ils le pouvaient. En l'occurrence, les maux dont souffrait Grantaire n'étaient pas bien différents des siens, il chercher seulement à les guérir d'une autre manière c'est tout. Pas la meilleure, mais pour s'y être essayé quelques fois lui-même depuis l'insurrection, Enjolras voulait bien admettre que l'alcool avait ce mérite non négligeable de vous anesthésier l'âme, ne serait-ce qu'un peu, et c'était... un soulagement. Ephémère, mais réel.

A son réveil, donc, Enjolras était cassé en deux, mais il alla tout de même trouver Grantaire dans sa chambre pour s'assurer qu'il allait bien. Il semblait encore endormi. Enjolras tenta de faire le plus discrètement possible, mais un pas de plus à l'intérieur de la pièce, et le plancher craqua sous ses pieds. Pour la discrétion, on repasserait.

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Grantaire avait beau plaisanter la plupart du temps, en grande partie parce qu’il était quand même sacrément aidé par l’alcool qu’il buvait en grande quantité, il n’allait pas si bien que cela. Depuis la révolution, force-lui était de constater qu’il avait quand même des traumatismes plutôt importants. Parfois, quand il fermait les yeux, il voyait le corps de ses amis morts, il voyait ce sang qui coulait en abondance, il voyait lui et Enjolras devant les armes des officiers, prêt à mourir. Et il entendait dans sa tête tous les coups de feu. Donc, non, il n’allait pas bien, ni mentalement, ni physiquement. Sa jambe guérissait, mais elle lui faisait toujours mal. Il boitait moins, mais il avait encore de grande douleur qui ne manquait pas de lui rappeler ce qu’il avait vécu.

Alors il buvait. Il tentait de reprendre une vie normale, s’amusant de la vie. Certaines choses avaient changé, comme sa relation avec Louison qui était un peu spéciale. Et puis, lui-même avait changé. Il réfléchissait plus, il pensait à Enjolras (son frère de cœur) et il s’en rendait bien compte, il y avait quelque chose de différent. Mais ce n’était pas possible. Il y avait une différence entre être attiré par le charisme d’un homme et… être attiré par l’homme tout court. Raison pour laquelle, il s’efforcer de se rappeler tout ce qu’il aimait chez les femmes.

Mais l’alcool l’aidait aussi, beaucoup trop. Et par moment il abusait encore plus qu’avant. En fait, il abusait tout le temps plus qu’avant. Il avait une certaine résistance à l’alcool qui lui permettait quand même de bien s’en sortir au final. La plupart du temps parce que la veille, de ce moment où il allait bientôt se réveiller, Grantaire avait vraiment abusé. Il était dans une sorte de demi-sommeil se rendant bien compte qu’il dormait, sans réaliser où il était en train de dormir. Il avait mal au crâne, ce qui lui arrivait quand il abusait vraiment et surtout du vin de très mauvaise qualité. Il avait mal à la jambe bien sûr encore. Mais il n’arrivait pas encore complètement à émerger.

Il entendit un bruit, une sorte de craquement, sa conscience prit un peu plus le relais. Il était quelque part déjà, pas dans la rue. Il n’était pas chez lui, il ne reconnaissait pas. Il était dans un lit. Un fin sourire se dessina sur son visage, il avait sans doute comme bien souvent courtisé une donzelle pour passer la nuit avec elle ? Il ouvrit un peu plus les yeux, il y avait bien quelqu’un qui se tenait là, debout. Une blonde, pas Louison donc.

Et puis ce fut comme un choc quand Grantaire réalisé qui se trouvait justement devant ses yeux.

« Enjolras ? » S’écria-t-il, en se redressant tellement vite qu’il en eut mal encore plus au crâne. « Aie… » Attendez quoi ? Il était où là ? Chez Enjolras ? Dans son… lit ? « Je fais quoi là ? » Demanda-t-il, légèrement paniqué quand même.

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our ce qui était de la discrétion, on repasserait, manifestement. Mais au moins, le réveil brutal de Grantaire avait le mérite de rassurer Enjolras sur un point : le jeune homme allait bien. A sa tête, on comprenait rapidement qu'il n'avait sans doute pas passé la nuit la plus sereine du monde et que son corps était encore aux prises avec l'après-coup d'une soirée beaucoup trop alcoolisée, mais au moins, il se réveillait, il était capable d'articuler des mots intelligibles, en bref, ça avait l'air de ne pas aller trop mal au bout du compte... Tant mieux. Enjolras attendrait la fin de sa conversation avec Grantaire pour se sentir un tant soit peu soulagé, mais il avait au moins empêché un scénario plus catastrophique de se produire, et c'était définitivement une excellente chose.

Visiblement, Grantaire n'avait plus le moindre souvenir des événements qui s'étaient déroulés la veille. Enjolras n'en était absolument pas étonné. Il avait plus souvent vu son ami en état d'ébriété qu'en pleine possession de ses moyens, et pourtant lui-même était à même de constater que la veille, Grantaire s'était mis lui-même dans un état de rare ivresse, dangereux, de ceux qui en effet peuvent vous faire oublier tout souvenir des événements de la veille. Le jeune homme aurait préféré que son ami se souvienne, si cela pouvait lui servir de leçon pour ne pas recommencer... Là, il n'était pas certain que Grantaire intégrerait la leçon. Ce qui ne l'empêcherait pas de la répéter si nécessaire, si cela pouvait aider d'une façon ou d'une autre.

-Tu ne te souviens de rien du tout ? demanda Enjolras en le sondant un instant du regard. Mais il n'avait pas vraiment besoin d'entendre la réponse de son interlocuteur pour s'en faire une bonne idée, il le comprenait déjà. Tu étais dans un état lamentable, hier soir. Il marqua une pause et se rapprocha de quelques pas. Tu m'as fait une peur bleue.

L'expression était exagérée, certes, surtout au vu de toutes les occasions qu'ils avaient eu de se faire peur ces derniers temps, mais cela n'empêchait pas pour autant Enjolras de l'avoir penser. Il se passe quelque chose de singulier quand on a été si proche de la mort et de perdre ses proches, pour ceux que l'on n'avait pas déjà perdus, une sorte d'instinct de protection et de survie se développait. Quitte à mourir, quitte à le perdre, autant que ce ne soit pas bêtement tout de même. Et Grantaire méritait mieux que de mourir d'un coma éthylique. Même si cela lui pendait au nez.

-Tu as passé la nuit chez moi. C'était préférable, expliqua-t-il alors, si Grantaire se demandait encore où il pouvait bien se trouver, ce qui était bien possible, en effet.

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Il ne se souvenait de rien du tout. Enfin, si, il se souvenait de son début de soirée, de l’alcool qu’il avait bu et d’un coup il se réveillait ici. Donc, non, il ne se souvenait pas de comment il se retrouvait ici. Ça arrivait, parfois, quand il exagérait réellement. L’alcool jouait sur sa mémoire souvent, il oubliait par exemple souvent le nom de la fille avec qui il passait la nuit. Ou alors c’était parce qu’il n’en avait que faire ? Enfin, dans tous les cas, il ne se rappelait vraiment pas de sa fin de soirée de la veille. Et clairement pas d’avoir croisé Enjolras. Ça, il ne pourrait pas l’oublier. Son « frère de cœur » avait ce mérite de ne pas disparaître de la mémoire du jeune homme. Donc… il se trouvait dans un état lamentable hier soir. Grantaire se senti coupable d’entendre Enjolras parler de cette façon. C’était bête sans doute, mais le regard et le jugement de Enjolras avait toujours eu beaucoup plus d’importance que le reste.

Et quand il entendit en prime le jeune homme lui affirmer qu’il lui avait fait une peur bleue, Grantaire s’en voulu sincèrement. Il n’avait aucune envie de faire peur à Enjolras, pas après tout ce qu’ils avaient traversé. Cela dit, quelque chose lui disait qu’avant les barricades, Enjolras n’aurait pas eu peur pour lui. Bref, il s’en voulait. Il n’eut cependant pas l’occasion de dire quelque chose que son ami reprit la parole, pour confirmer qu’ils se trouvaient bien chez lui. Grantaire observa un peu autour de lui, de son regard brumeux. Il se trouvait donc chez Enjolras, et le lit dans lequel il se trouvait… c’était celui de Enjolras.

« C’est… d’accord. » Bon, le jeune homme devait bien reconnaître qu’il ne savait pas trop quoi dire. Il se sentait un peu perdu. Il avait juste besoin de prendre le temps d’analyser ces informations. Il se trouvait donc chez Enjolras, il y avait passé la nuit, parce qu’il était dans un état lamantable. Au point de ne pas contrôler ce qu’il disait, ce qu’il faisait ? Au point de se dévoiler plus ? Grantaire ne put s’empêcher de se sentir pris d’une petite panique. « Et on… on a fait quelque chose de… particulier ? Cette nuit ? Chez toi ? »

Non, ils n’auraient pas… enfin, et si ? Non, ce n’était pas possible. Ils n’auraient jamais fait une chose pareille, c’était impossible. Même si, peut-être qu’il en aurait eu envie et qu’il aurait parce qu’il était complètement bourré insisté, ou dit quelque chose. Avait-il dit quelque chose ?

« J’ai rien dit de bizarre non plus ? »

Bon, Grantaire ne devrait sans doute pas s’inquiéter à ce point, mais quand même il se retrouvait dans une situation qu’il n’avait pas du tout prévue et qui le mettait un peu mal à l’aise. Depuis les barricades, sa vie était quand même sacrément étrange et il ne savait pas trop où il allait. Il ne le savait déjà pas avant, mais depuis c’était pire.

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rantaire paraissait particulièrement... désorienté... Mais Enjolras ne s'en inquiétait pas plus que cela. Autrement, il paraissait lucide et avoir recouvré ses esprits, et c'était ce qui comptait. Pour le reste, il n'y avait absolument rien d'anormal à ce que le jeune homme se sente effectivement déboussolée. Le pauvre devait se traîner avec lui une vicieuse migraine digne des lendemains de nuits arrosées, et il se réveillait dans un endroit qu'il ne connaissait pas, sa mémoire défaillante l'empêchant au passage de vraiment se rappeler à quoi il avait occupé la nuit précédente. Enjolras ne devinait pas quels soupçons et quelles inquiétudes assiégeaient son camarade tandis que ce dernier essayaient de rassembler les morceaux d'un puzzle qui, inévitablement, lui restaient inaccessibles.

Le jeune homme avait de quoi être désarmé par les circonstances, mais pas de quoi s'alarmer de ce qu'il aurait pu dire ou faire. Enjolras était à mille lieues de soupçonner ce qui agitait le coeur et l'esprit de son ami en cet instant. Qui sait quelle serait sa réaction autrement. En l'occurrence, il savait que comme n'importe qui, Grantaire devait garder pour lui des vérités qu'il n'avait pas envie de partager, et puisque l'alcool avait ce don de délier les langues, il se méfiait. C'était ainsi qu'il interprétait les interrogations de son ami.

-D'étrange si, assurément, ton discours n'était plus vraiment cohérent, répondit Enjolras avec un fin sourire. Maintenant que le pire était passé, il pouvait se permettre de désamorcer un peu la situation et de la dédramatiser. Grantaire allait bien, tout allait bien. Tu n'avais plus l'énergie de dire ou de faire grand-chose, tu t'es endormi dès l'instant où tu es entré dans cette chambre, ajouta-t-il.

Sur le chemin qui le menait à son appartement, il avait peut-être articulé deux ou trois phrases sans queue ni tête, mais Enjolras n'en gardait pas vraiment de souvenir. Il n'avait par conséquent rien dû dire d'impérissable ou de compromettant.

-Dans tous les cas, tu n'as pas à t'inquiéter de ce que tu pourrais dire ou faire... J'ai eu suffisamment d'occasion de te juger par le passé, ça m'est passé.

Ou pas. Car en l'occurrence, ce qu'il gardait en son coeur et en son esprit pourrait bien avoir le don de remettre en question bien des choses, et pas seulement au creux des pensées désorientées et encore un rien alcoolisées de Grantaire.

-Enfin, j'ai bien sûr un reproche à te faire. Il marqua une pause, et reprit d'un ton plus grave. Je refuse de t'avoir vu survivre aux gardes nationaux pour périr par l'alcool. Tant que je serais là, je ne laisserais pas cela arriver.

Comme s'il avait réellement ce pouvoir... Mais il le pensait. Vraiment.

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Grantaire sentit un frisson parcourir son échine en entendant Enjolras affirmer que son discours n’était pas cohérant et qu’il avait dit des choses étranges. Non, il n’aurait quand même pas dit… Il n’y avait aucune raison qu’il dise quoi que ce soit de ce style de toute façon, parce que ce n’était pas ce qu’il devait dire, ce qu’il devait penser, ce qu’il devait ressentir… non, il était clair avec lui-même, il n’y avait aucune raison qu’il dérape parce que ce n’était pas son truc. Ou… pas. Grantaire ne put s’empêcher de se sentir particulièrement rassuré en entendant son « ami » affirmer qu’il n’avait plus eu de l’énergie pour dire ou faire quelque chose, et que dès qu’il était entré dans cette chambre, il s’était endormi. Ce qui prouvait bien qu’il y avait quelque chose qu’il souhaitait cacher impérativement, mais peu importait, il se sentait vraiment rassuré. Tout allait pour le meilleur du monde et vu comment Enjolras se comportait avec lui, il ne devait pas avoir l’intention de lui reprocher quelque chose. Ou en tout cas pas ça.

Grantaire apprécia d’entendre son interlocuteur lui dire qu’il n’avait pas l’intention de le juger autant que dans le passé. Il garda cependant pour lui la raison qui le pousserait à le juger énormément s’il en avait conscience, mais puisque ça n’existait pas, il n’y avait pas de crainte à se faire. Grantaire se raidit cependant de nombreux quand Enjolras reprit en lui disant qu’il avait bien un reproche à lui faire, son cœur s’arrêta de battre jusqu’à ce qu’il ait terminé de lui ce dit reproche. Il refusait de le voir mourir par l’alcool après avoir survécu aux gardes… son cœur se remit à battre et il devait bien avouer que ce fut un peu plus rapidement encore qu’avant et pas parce qu’il craignait d’avoir dit ou fait quelque chose mal. Simplement parce qu’il… il adorait ces mots, il adorait entendre Enjolras lui dire que tant qu’il sera là, il ne laisserait pas ce genre de chose arriver. Il n’en revenait toujours pas de la manière dont les choses se passaient entre eux maintenant. A une époque, Enjolras se contentait de le juger, de le considérer comme un moins que rien et depuis qu’ils avaient… depuis qu’ils étaient presque mort ensemble, ils n’avaient jamais eu une telle connexion.

« Tu… tu ne devrais pas t’en faire pour moi, ça va. » Répondit-il, en ayant conscience que son interlocuteur n’allait sans doute pas le croire. Maintenant que le plus gros du choc était passé, Grantaire reprenait doucement ses esprits. Même s’il se sentait encore un peu vaseux et qu’il était très certainement encore trop sous l’emprise de l’alcool. Mais puisqu’il ne décuvait jamais vraiment, c’était un état constant chez lui. « J’ai… peut-être forcé un peu hier, mais… oh il m’en faut plus quand même pour… » Pour quoi ? Il ne termina pas sa phrase. « Je devais juste être un peu plus fatigué hier. Mais je tiens bien d’habitude, l’alcool c’est mon ami, pas mon ennemi. »

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njolras s'agaça du discours de son interlocuteur, mais pas comme il pouvait avoir l'habitude de s'agacer par le passé. C'était autre chose. Il n'aimait pas qu'on le ménage, et il ne voulait surtout pas qu'on le ménage, dans ces circonstances. Le chef de files de Amis de l'ABC (qui pour le moment ne ressemblaient pas à grand-chose, au demeurant) ne voulait pas que l'on occulte les faits au profit de ce qui nous arrangeait. Cela n'avait jamais été le cas, et ça l'était encore moins maintenant. Si problème il y avait, il fallait les regarder en face, surtout s'ils pouvaient être résolus, et dans le cas de Grantaire, il ne faisait aucun doute qu'une solution pouvait aisément être trouvée. Le problème était évident, et manifeste : Grantaire buvait beaucoup trop.

La solution était en retour évidente : il fallait qu'il boive moins. Bien sûr, les dynamiques propres à l'addiction, surtout quand cette dernière était inconsciente, n'étaient pas si évidentes à bafouer, mais ils avaient regardé la mort en face, ils avaient survécu aux coups de feu des gardes nationaux : alors ils pouvaient tout affronter. Ils y avaient même intérêt, pour que leur survie ait du sens. Ils avaient tout intérêt à répondre à une plus haute moralité, ils le devaient au destin et aux circonstances. C'était le moindre remerciement pour le fait d'être encore à même de respirer, d'être.

-Il pourrait finir par le devenir... Et je trouverais absurde que tu te laisses dépérir au nom d'aussi piètre arguments. Il marqua une pause. Si tu as la moindre considération pour moi et surtout pour ta propre vie, tu admettras que tu ne peux pas continuer ainsi, n'est-ce pas ? Il marqua une pause. Ne veux-tu pas faire un effort, essayer du moins d'y réfléchir ? Tu ne te souviens de rien, et c'est tant mieux pour toi, mais moi je me souviens de l'état dans lequel je t'ai trouvé. Il marqua une pause. Je ne veux pas devoir endurer ça. Je ne mérite pas que tu me fasses endurer ça.

Comprendra qui le voudra, mais Enjolras avait l'impression dorénavant que leurs vies dépendaient l'une de l'autre. Parce qu'ils étaient morts ensemble et avaient survécu ensemble, il considérait qu'ils devaient très naturellement veiller à la vie l'un de l'autre. Enjolras n'exigerait pas que Grantaire veille à la sienne, certes, mais lui veillerait forcément, naturellement et nécessairement à celle de son ami. Il méritait cette considération, cette estime. Elles méritaient d'être soulignées, observées. Et Enjolras tenait à ce que son ami en ait complètement conscience. En grande partie parce qu'il était le mieux placé pour veiller sur sa propre vie, bien plus que n'en serait capable Enjolras, peu importe les efforts qu'il pourrait bien fournir en ce sens.

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Grantaire n’avait pas non plus l’habitude de se mettre dans un état au point d’avoir un trou noir. Il buvait à longueur de temps et les moments où il était sobre était de plus en plus rare, ce qui en soit ne lui posait pas de souci. Mais en même temps, il n’était pas en train de se rouler au sol non plus à chaque fois. Il agissait très clairement en dehors des clous, bien sûr, mais il avait globalement toujours les choses en main. En théorie, mais là, il devait bien reconnaître qu’il avait abusé… sans doute parce que finalement, il avait plus de chose à oublier maintenant, plus de douleur à oublier et à tenter de soigner avec son grand ami. Mais Grantaire, comme tout alcoolique qu’il était, préférait largement nier les faits, ne pas penser qu’il avait un souci justement. Parce que jusqu’à présent, il s’en sortait très bien sauf que ça pouvait très vite déraper.

Mais il n’avait vraiment aucune envie d’avoir ce genre de conversation avec Enjolras. Quand il lui faisait le moral, il avait le sentiment de le décevoir et il n’aimait pas ça, même s’il était évident qu’il devait le décevoir. Mais Enjolras ne se contenta pas juste de le prendre avec dédain comme c’était le cas autrefois, maintenant il le prenait clairement par les sentiments. Il lui parla de la considération qu’il avait à son encore – et il en avait bien plus pour Enjolras que pour sa propre vie – et Grantaire eut le sentiment que son interlocuteur se servait de… de ce qu’il y avait entre eux pour le poussait à réaliser des choses. Sauf qu’en réalité il n’y avait rien, et que Grantaire se contentait simplement de s’imaginer des choses. Au final, il ne savait pas s’il appréciait le « frèrezonage » de Enjolras, parce qu’il avait plus de mal à ne pas se préoccuper de ce que son interlocuteur lui disait. Avant, il s’occupait de ce qu’il disait, mais quand il lui faisait des remarques sur son comportement, il les balayait d’un revers de la main, se concentrant sur autre chose. Et comment balayer de la main ce que Enjolras lui disait ? Il ne se souvenait de rien, mais lui avait vu l’état dans lequel il se trouvait et il considérait ne pas mériter d’endurer tout ça, il n’avait aucune envie de devoir le faire… Fichu sentiment.

« Je… » Grantaire qui avait d’habitude toujours une petite remarque agréable à dire, une plaisanterie à sortir, se retrouvait soudainement sans mot. Sans doute parce qu’il n’avait pas une bouteille à la main d’ailleurs. Et il aimerait avoir une bouteille à la main justement, si ce n’était pas la preuve de son problème. « Même si… même si je le voudrais. Je n’y arriverais pas. »

Il lui demandait de faire un effort, de réfléchir à ces efforts, mais c’était déjà tout fait. Grantaire ne pouvait pas, il avait besoin de vivre comme ça, il en avait eu besoin avant ces événements, il en avait encore plus besoin maintenant.

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njolras s'attendait à tout de la part de Grantaire, y compris à une plaisanterie quelconque qi aurait vocation à noyer le poisson. Si c'était ce que son camarade devait décider de lui servir, le chef de file des Amis de l'ABC le rappellerait à l'ordre avec fermeté. Ils avaient beau avoir évolué, leur relation avait beau avoir dépassé un nouveau seuil, ce n'était pas aujourd'hui que le jeune homme accepterait d'écouter les frasques de Grantaire et d'en rire. Son humour n'était pas à son goût avant, ça n'avait pas changé. Ce qui l'intéressait chez Grantaire, ce n'était pas cette façade qu'il se plaisait à montrer à tout un chacun avec une fierté mal placé, c'était ce qu'il y avait en-deçà, cette volonté dont il était vraiment capable, cette force qui était sienne, cette conscience morale et politique qu'il prenait grand soin de prétendre ne pas posséder à grands renforts de blagues grasses et de quolibets.

Mais non, Grantaire eut le bon ton de ne pas prendre les choses à la rigolade. Il l'appréciait, car le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'avait pas été d'humeur à rire, de son côté, quand il s'était retrouvé face à un Grantaire plongé dans un état d'ébriété très avancé qui lui avait fait redouté qu'il perde connaissance ou pire. Cela dit, même si le jeune homme acceptait de prendre son discours au sérieux, ce n'est pas pour autant qu'il lui offrait la réponse qu'il espérait. Enjolras attendait de sa part une remise en question, de véritables résolutions, quelque chose qui serait à même de le convaincre de sa bonne volonté. Mais de bonne volonté, il n'y avait pas. Il le disait lui-même. Même s'il le voulait... cela signifiait bien qu'il ne le voulait pas, et ce n'était pas un discours qu'Enjolras pouvait entendre sans se sentir affligé d'une part, déçu d'autre part, mais également... inquiet. S'il décidait de poursuivre sur cette voie, Enjolras aurait, quelque part, le sentiment que son frère d'arme l'abandonnait, et c'était une chose qu'il refusait catégoriquement de concevoir.

-Alors tu baisses les bras avant même d'avoir essayé quoi que ce soit ? déduisit Enjolras. J'en attendais davantage de ta part.

Est-ce qu'Enjolras cherchait à le culpabiliser ? Oui, bien sûr que oui. C'était très précisément ce qu'il était en train de faire, et il n'avait pas le moindre scrupule à agir de la sorte. Le jeune homme avait besoin de trouver en lui la volonté qui l'avait animée cette nuit-là, sur les barricades. S'il pouvait tenir tête aux gardes nationaux, il pouvait parfaitement faire face à ses démons intérieurs également, rien ne lui était impossible.

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Grantaire avait clairement la sensation de se retrouver dans la pire des situations possible, il se retrouvait devant Enjolras qui lui demandait de prendre ses responsabilités concernant son « problème » d’alcool. En fait, il se retrouvait à devoir accepter le fait qu’il avait un problème, ce qu’il était incapable de faire depuis… eh bien, depuis toujours tout simplement. Grantaire aimait jusqu’à présent la vie qu’il avait mené, il avait eu cette possibilité de prendre les choses à la légère, de vivre une sorte de non vie où il prenait tout de haut, où il ne pensait pas aux conséquences, où il était léger tout simplement. Sauf que depuis ce qui était arrivé lors de la révolution, lors de cette nuit où il avait à ce point embrassé la mort, c’était comme s’il ne pouvait plus vivre aussi légèrement. Sauf que c’était particulièrement difficile de l’accepter.

Grantaire se sentit mal en entendant Enjolras affirmer qu’il était en train de baisser les bras avant même d’avoir essayé. Mais ce ne fut rien en comparaison du moment où Enjolras lui affirma qu’il attendait davantage de sa part… Grantaire se senti mal oui, parce qu’il n’avait aucune envie de décevoir son interlocuteur. Il avait eu l’habitude de recevoir des remontrances de son interlocuteur depuis toujours, mais ça le touchait beaucoup plus maintenant…

« Tu es injuste. » Répondit-il.

Ça tout simplement. Que pouvait-il répondre d’autre ? Il trouvait Enjolras vraiment injuste de lui faire ce genre de reproche. Il n’avait pas spécialement envie de devoir faire des efforts non, parce que ça lui semblait beaucoup trop difficile. S’il décidait de vouloir faire des efforts à ce sujet, il n’osait pas imaginer à quel point ça allait être difficile, ce qu’il allait devoir faire. C’était si facile de se contenter de faire comme si de rien n’était et de continuer comme il le faisait, au point sans doute de se retrouver dans les pires états possibles. Mais maintenant, il avait envie de continuer d’agir légèrement et en même temps de ne pas décevoir Enjolras…

« Je… je ne peux pas y arriver seul. » Ajouta-t-il finalement en baissant les yeux.

Il n’avait aucune envie de le reconnaître, mais s’il devait faire quelque chose, s’il devait décider de se remettre en question, il avait parfaitement conscience qu’il ne pouvait pas le faire seul. Quand il allait partir de cet endroit, il allait retrouver ses habitudes. Et en même temps pourquoi pas ? Ça ne lui avait jamais fait de mal avant. Sauf que ça c’était avant et que les choses étaient bien différentes maintenant. Et il n’avait aucune envie que Enjolras continue d’avoir des préjugés sur lui, qu’il le considère encore comme un moins que rien, mais en même temps ce n’était pas évident pour lui de reprendre sa vie en main. Il ne savait plus s’il voulait le faire ou non, il ne savait pas s’il pouvait y arriver ou pas. Il était complètement perdu, il avait besoin d’aide, même si c’était difficile à accepter.

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N

on, Enjolras n'avait pas le sentiment d'être injuste, en cet instant. Bien au contraire, il considérait qu'il était absolument réaliste. Si regarder la vérité en face déplaisait à Grantaire, ce n'était pas pour autant que cette vérité tenait de l'injustice. Oui, il ne ménageait définitivement pas son ami, mais il refusait qu'on lui donne des leçons en matière de justice. De toutes les insultes qu'on pouvait lui adresser (même si injuste ne donnait pas l'impression d'en être une), "injuste" était sans doute la pire, car l'injustice était l'ennemi contre lequel il luttait constamment. Il était hors de question qu'on le qualifie d'injuste alors qu'il ne faisait rien d'autre que de s'inquiéter pour un ami et vouloir le garder en vie. Oui, Grantaire devait se sentir piqué à vif, à plus forte raison qu'il était encore alcoolisé, mais il y avait des vérités qu'il avait la nécessité d'entendre.

Même si elles étaient déplaisantes, ça ne changeait absolument rien au fait qu'elles étaient nécessaires pour lui permettre de progresser et, dans l'idéal, de se sentir mieux. Enjolras se montrerait toujours aussi sévère que nécessaire quand il serait question de son ami. Si, au bout du compte, son ami devait finir par le détester, eh bien tant pis, il préférait qu'il le déteste mais se protège de ses propres démons plutôt que de faire preuve d'une indulgence excessive qui mettrait incontestablement ses jours en danger. Il le laissa parler, il ne répliqua pas. Grantaire allait finir par comprendre, et il pouvait bien tolérer toutes les remarques possibles du moment qu'elles permettaient au jeune homme de s'engager sur le bon chemin. De manière générale, Enjolras aurait à coeur le destin commun du peuple français, mais aussi le destin individuel de ses frères d'arme, et Grantaire plus encore. C'était ainsi... il sentait que son sort dépendait dorénavant du sien, et il devait tout faire, absolument tout, pour faire en sorte qu'il aille mieux, qu'il sorte de cette spirale infernale et s'en tire beaucoup mieux.

-Je n'ai jamais exigé de toi que tu y parviennes seul, répondit Enjolras avec douceur, heureux de cette affirmation de la part de Grantaire, qui lui prouvait évidemment qu'il avait conscience qu'il avait raison, qu'il fallait qu'il fasse quelque chose pour arranger les choses. Qu'il ne se sente pas la force d'y parvenir seul était compréhensible, Enjolras ne le lui reprocherait pas le moins du monde. Au contraire, consentir à ce qu'on vous tende la main si nécessaire était le mieux qui puisse arriver. Combien faudra-t-il te répéter que je suis là pour toi. Il déposa une main compatissante sur son épaule. Je t'aiderais, je t'accompagnerais, tu peux compter sur moi... j'ai juste besoin que tu me promettes de faire cet effort.

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Messages : 431 Date d'inscription : 05/03/2017

Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager.

Grantaire ne savait plus s’il appréciait ce moment ou non. Depuis l’instant où il avait ouvert les yeux et s’était rendu compte d’où il était, d’avec qui il était, le jeune homme se sentait particulièrement mal à l’aise. Et même s’il ne pouvait pas nier adorer la compagnie de Enjolras, toujours beaucoup trop adorer la manière qu’il avait de lui inspirer du courage et… tout un tas d’autres trucs qu’il ne devait pas mentionner, il avait le sentiment que l’homme le mettait au pied d’un mur beaucoup trop haut pour lui. Grantaire n’avait aucune envie d’avoir un problème avec l’alcool, parce que cela signifierait qu’il devrait combattre ce problème et il n’avait aucune envie de le faire. C’était bien plus facile de se dire qu’il n’y avait pas de souci et de se complaire dans la vie légère et agréable.

Mais si c’était pour que Enjolras ait une estime misérable de lui, au final il ne savait pas ce qui était pire. Avant tout cela, avant le combat, Grantaire n’aurait pas pris la situation au sérieux, mais il y avait tellement de chose qui avait changé. Ou… non, il avait changé. Il avait été si proche de la mort qu’aujourd’hui, il avait le sentiment de vivre pour une raison quelconque, qu’on lui avait donné la possibilité de continuer contre toute attente et qu’il ne pouvait pas juste se contenter de vivre de la même façon. Et le pire dans tout cela, c’était que Enjolras était là, qu’il le soutenait, qu’il prenait soin de lui. À une époque, le chef des Amis de l’ABC se serait contenté de l’abandonner à son sort, maintenant il se préoccupait de lui… comme un frère. Quand Enjolras affirma de nouveau qu’il était là pour lui, posant une main sur son épaule qui eu le don de lui faire ressentir un frisson, Grantaire se senti troublé. Troublé parce que c’était en entendant Enjolras lui affirmer qu’il était à ses côtés, qu’il allait l’accompagner, qu’il allait l’aider que Grantaire se disait qu’il pouvait peut-être y arriver. Enjolras avait toujours eu le don de faire naître une conviction venue de nulle part chez Grantaire, il était encore plus capable de le faire à présent, au point que le jeune homme soit prêt à lui faire toutes les promesses inimaginables.

« Je… » Grantaire baissa un instant son regard, se concentrant un peu sur la main de Enjolras sur son épaule, avant de relever ses yeux lumineux vers ceux de son ami. « Je… je te promet de faire des efforts. » Dit-il avec toute la conviction dont il était capable. Cette conviction que seul cet homme aux belles boucles blondes était capable de lui faire connaître. Il avait affronté la mort pour lui, il était mort pour lui-même, il avait été le plus heureux des hommes à mourir à ses côtés. Maintenant, il était prêt à tout affronter rien que parce qu’il était là, qu’il lui disait qu’il l’accompagnait et qu’il le soutenait. Grantaire posa une main sur le bras de Enjolras, l’agrippant fermement. « Si… tu me promets de ne jamais m’abandonner. »

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Messages : 3139 Date d'inscription : 07/02/2015

Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager.

L

a conviction qu'il lisait dans le regard de son frère d'arme et qu'il entendait dans le ton de sa voix faisait du bien à entendre pour Enjolras, qui avait besoin d'entendre que son ami y croyait encore, qu'il était capable de se battre au nom de cette vie qu'ils possédaient encore. Ils avaient la chance d'être encore en mesure de respirer, ils ne devaient surtout pas passer à côté de cette chance, ce serait pire que tout, ce serait insupportable, et ce n'était tout bonnement pas envisageable. Si l'enfer les avait recrachés et leur avait donné une seconde chance, il fallait qu'ils saisissent cette chance à tout prix.

Le jeune homme ne voulait certainement pas prendre le risque de voir son ami périr par l'alcool quand il avait survécu aux gardes nationaux, non seulement ce serait un échec insurmontable à ses yeux, mais au-delà de cette seule considération, il n'avait tout simplement pas envie de perdre Grantaire. Ils avaient souvent eu du mal à s'entendre et à se comprendre tous les deux, mais au bout du compte, ils savaient tout de même où ils en étaient et ce qu'ils voulaient : ne plus commettre les erreurs qui auraient pu leur coûter cher, avancer pas à pas, d'une autre façon. Et en ce qui concernait Grantaire, cela ne signifiait pas seulement employer d'autres méthodes auprès des Amis de l'ABC, mais aussi régler cette vieille obsession pour l'alcool qui pourrait bien lui coûter cher, beaucoup trop cher, s'il n'y prenait pas garde.

-Ai-je seulement besoin de te faire cette promesse ? demanda Enjolras.

Mais face au sérieux de son interlocuteur, il dut reconnaître que cela n'allait pas de soi. Sans doute parce que oui, jusqu'aux événements des barricades, il n'aurait pas mis un tel point d'honneur à veiller sur Grantaire, il l'aurait abandonné à ses démons et affirmé qu'il était le seul responsable de ce que dame Alcool avait d'emprise sur lui. mais les choses avaient changé, tout avait changé, dorénavant, et il se faisait un devoir d'être présent pour lui parce que Grantaire, de son côté, avait été présent également. Il avait été plus présent pour lui que l'inverse, il ne faisait que lui rendre la pareille, et au fond, il était grand temps.

-Je ne t'abandonnerai pas, Grantaire, je n'ai aucune intention de le faire. Quoi qu'il se passe, maintenant, tu fais partie de mes priorités, j'espère que tu en as conscience.

Parce que c'était la plus pure et la plus stricte vérité. Et il n'avait aucune intention de s'en cacher. Grantaire était devenu très important pour lui, et il le protégerait comme il le ferait d'un... frère (oui, parce que tout ça, c'est très la fraternité).

code by Mandy

Messages : 431 Date d'inscription : 05/03/2017

Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager.

Quand Enjolras reprit la parole pour lui demander s’il avait seulement besoin de lui faire cette promesse, Grantaire resta de marbre mais fut quand même quelque peu agacé par cette réponse. Parce que s’il lui demandait de lui promettre de ne pas l’abandonner, c’était qu’il avait besoin de l’entendre faire cette promesse. Il n’avait pas envie que Enjolras considère juste que c’était évident, parce que ça ne l’était pas tant que ça. D’accord… depuis leurs « morts », Grantaire avait bien constaté un changement de la part de son interlocuteur qui lui portait beaucoup plus d’intérêt. Enjolras ne le jugeait plus réellement, il était présent pour lui, il prenait même soin de lui et se souciait de son sort, mais ça ne voulait pas dire qu’à un moment donné il n’allait pas se détourner tout simplement de lui.

Et si Grantaire acceptait l’idée de potentiellement faire quelque chose contre sa meilleure amie qu’était la bonne bouteille de vin, il était évident qu’il avait besoin qu’on le soutienne. Oh, il pourrait demander à Louison de le faire… mais c’était Enjolras qui réclamait qu’il prenne soin de lui à ce sujet, et c’était parce que cet homme le lui demandait qu’il envisageait l’idée. Donc, il avait besoin de lui.

En tout cas, Enjolras sembla comprendre le sérieux de sa demande puisqu’il finit par reprendre la parole en lui affirmant qu’il n’allait pas l’abandonner, qu’il n’avait aucune intention de le faire. Mine de rien, c’était incroyable que le leader des Amis de l’ABC lui parle de cette façon, à une époque Enjolras n’en aurait réellement eu rien à faire de son sort. Peut-être que Grantaire ne devrait pas apprécier cette attention soudaine, mais il ne pouvait pas le contrôler. Ça lui faisait un bien fou.

« Je crois que je commence à en prendre conscience oui. » Répondit-il avec un sérieux dont il n’avait clairement pas l’habitude.

Il était plus que touché que Enjolras le considère comme l’une de ses priorités, qu’il n’avait pas l’intention de l’abandonner. Grantaire savait bien qu’il jouait avec le feu et qu’il devrait simplement ignorer tout ce que ça lui procurait, se contenter de vivre comme il le faisait avant, sans rien attendre de la vie. Mais en même temps, il n’était plus capable de vivre aussi légèrement qu’autrefois. Cette barricade l’avait marqué au fer rouge.

« Mais est-ce que toi, tu as bien conscience de ce qui t’attend ? » Reprit-il, un fin sourire sur le visage, parce qu’à un moment les instants sérieux ça avait une fin. Grantaire avait surtout besoin de tenter de reprendre contenance un peu, de contrôler la situation, même si en réalité il ne contrôlait absolument rien du tout. « Ça va te demander du temps de m’aider dans cette noble cause ! »

Il ne voulait pas partir défaitiste, mais il ne fallait pas imaginer qu’il allait pouvoir se passer de sa meilleure amie si facilement. Même s’il était sincère en disant qu’il allait faire cet effort, il savait qu’il ne pourrait pas le faire si facilement.

Code by Gwenn

Messages : 3139 Date d'inscription : 07/02/2015

Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager.

C

ontrairement à ce que l'on peut croire, Enjolras s'est toujours soucié de Grantaire, parce qu'il se soucie de l'humain, de tous ceux qui font partie du peuple qu'il cherche à protéger. Il aurait voulu le défendre comme n'importe qui d'autre, et ne l'aurait pas laissé derrière si nécessaire : mais cette situation est différente, bien sûr. Elle est différente parce que son instinct de protection vient de sa vocation, parce que son instinct de protection repose sur quelque chose de personnel. Grantaire est son ami, Grantaire est son frère. Et c'est ce qui importe, bien sûr. Donc oui, Grantaire peut en prendre conscience, en effet, parce que c'est sincère, c'est sûr et certain.

Est-ce qu'il a bien conscience de ce qui l'attend. Il en a eu un bon aperçu la veille, et il connaît bien Grantaire. Ce n'est pas comme s'il découvrait son interlocuteur. La différence, c'est qu'il sait à présent qu'il mérite qu'on cherche à le sauver, que l'on prenne soin de lui. C'était une certitude qu'il était bien loin d'avoir autrefois. Alors oui, il sait à quoi s'attendre et ça ne l'inquiète pas. C'est même tout le contraire, il a besoin de se sentir utile, plus que jamais utile, en réalité, et pouvoir l'être très concrètement lui fait du bien. Ainsi donc, il ne sait vraiment pas ce qu'il en est.

-Au moins c'est une noble cause à laquelle je suis certain de me rendre utile, répond-il alors.

Il ne veut pas avoir l'air trop sévère avec lui-même ou trop défaitiste, mais il ne peut s'empêcher de voir les choses de cette manière... Il a envoyé des hommes au front qui sont morts pour rien, alors même s'il ne peut aider qu'une seule personne sera déjà mieux pour son égo. Il en a véritablement besoin, oui.

-Ne t'inquiète pas du temps et de l'énergie que je te consacre, tu veux bien ? Laisse-moi seulement faire. Je te suis redevable, je te le serai toujours. Et en dehors de cela, je ne vois pas pourquoi je ne consacrerai pas tout le temps nécessaire à l'un de mes amis les plus précieux.

Il n'exagère rien. Il dit seulement ce qu'il pense, et il veut que Grantaire le comprenne. Qu'il ne se considère pas comme un poids ou quoi que ce soit de cet acabit, et il a l'impression que c'est le cas, comme si Grantaire devait se justifier de l'attention qu'Enjolras lui prend. Mais il n'en est pas question... Non, il y a des gestes d'amitié qui ne se justifient pas, et d'ailleurs, les gestes d'amitié ne devraient jamais se justifier. Elle est d'accord avec ça.

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