Bonne épouse et santé sont les richesses d'un homme (pv Marius)

Marius avait rapidement perdu ses esprits, incapable de se rendre compte de ce qui était arrivé. D’un instant il était passé de la barricade, à… la demeure de chez son grand-père. Il y avait certaine chose, certaines images, qui lui revenaient par moment en mémoire, comme des flashs. Il s’était éveillé chez son grand-père, son corps entier lui faisant mal, alors qu’on lui prodiguait des soins. Il s’était de nouveau rendormi, incapable de tenir très longtemps avant de perdre de nouveau conscience. Cela dura un moment, sans que le jeune homme ne soit capable de dire combien de temps. Par instant, il demanda Cosette, mais on lui affirma qu’il ne pouvait pas encore la voir. Et pourtant, c’était la seule personne qu’il avait besoin à ses côtés pour l’heure.

Il ne pouvait pas nier le fait qu’il n’avait sans doute pas assez pensé à Cosette quand il avait décidé de se rendre aux barricades et de combattre. Mais ça ne voulait pas dire qu’il ne voulait pas de son épouse à ses côtés pour autant, la jeune femme était sa force. Il avait besoin d’elle, mais il n’était pas en état. De toute façon, le jeune homme était bien incapable de contredire qui que ce soit pour l’heure, puisqu’il n’avait même pas la force de rester éveiller pendant plus de quelques minutes.

Et puis finalement, il reprit conscience un peu plus vivement, au point d’être capable de tenir une conversation. Oh, son état était loin d’être encore au top, il avait mal partout, il était groggy par les substances qu’on lui avait donné contre la douleur, mais au moins il était éveillé. Il demanda Cosette, une nouvelle fois et cette fois-ci, on lui annonça qu’on allait la chercher. Marius ne sut pas combien de temps passa ensuite, mais en fin de compte, Cosette fit enfin son entrée dans la pièce.

Elle s’approcha de lui, s’installa près de son lit, avant de prendre la parole en prenant sa main dans la sienne. Et quand elle prit la parole, ce qu’elle lui dit lui serra le cœur. Comment avait-il pu ? Faire ce qu’il avait fait, prendre de tel risque, Marius avait conscience des reproches qu’elle lui faisait. Et il ne pouvait pas lui donner tort, il ne pouvait pas le lui reprocher. Cela dit, si le jeune homme devait prendre ce genre de décision de nouveau, se retrouver devant le même cas de figure, il y avait de forte chance qu’il recommence et qu’il fasse la même chose.

« Je… je suis désolé. »

Ce n’était pas facile de parler, surtout pour dire ce qu’il avait à dire. Pas parce que ce n’était pas possible pour lui de s’excuser auprès de son épouse, au contraire, mais parce qu’au fond il savait qu’elle avait de bonne raison de lui en vouloir et qu’il ne lui donnait pas de bonnes raisons de lui pardonner.

Qu’est-ce que Cosette serait devenue si elle l’avait perdu… cette question était rude, mais sans aucun doute nécessaire. Marius réalisait juste que son épouse aurait pu devenir veuve avant l’heure, qu’il avait tout fait dans le but de l’épouser, qu’ils vivaient chez son grand-père, qu’elle avait abandonné son père pour lui… et lui partait au combat, dans le but de se battre, en prenant le risque de l’abandonner complètement. Il en avait eu conscience, en un sens, il avait su les risques, mais l’entendre le lui dire si vivement… ça lui faisait du mal. Il s’en voulait énormément, il n’avait pas eu envie de faire souffrir son épouse, elle était la dernière personne qu’il avait eu envie de faire souffrir. Marius ne répondit pas, il baissa son regard, que pouvait-il bien répondre à cette remarque en même temps ? Rien du tout…

Cosette enchaina, lui affirmant qu’il aurait pu mourir, mais surtout en lui demandant s’il avait eu conscience de ce risque en partant. Qu’il avait eu conscience qu’il pouvait bien mourir en la laissant seule, en l’abandonnant tout simplement donc… Marius ne répondit pas tout de suite, repensant à tout cela. Il avait foncé tête baissée dans le combat parce que c’était ainsi qu’il se devait d’agir, à ses yeux. Parce qu’il s’était donné corps et âme aux Amis de l’A B C. Son mariage avec Cosette n’avait pas remis en cause ses convictions. Il avait eu envie de se battre, de défendre ce qu’il défendait avec ses amis, afin d’offrir à ce monde une vraie vie, afin d’enfin changer le pouvoir en place.

« Non… » Dit-il dans un souffle. Mentait-il ? Il n’avait aucune envie de mentir non, il ne le faisait pas vraiment. Forcément, il avait bel et bien eu conscience des risques, mais au final, il avait surtout cru qu’il ne pouvait rien lui arriver, qu’il allait rentrer auprès de son épouse ensuite, en pleine forme, qu’ils auraient gagné. Oui, c’était ça, il avait vraiment cru qu’ils allaient gagner. Mais… n’avait-il pas abandonné son épouse tout de même ? Quand il avait presque failli exploser avec la poudre explosive dans le but de repousser l’ennemi… évidemment qu’il avait été prêt à mourir à ce moment-là, et donc qu’il était prêt à abandonner Cosette. « Je pensais qu’on… je pensais qu’on gagnerait, qu’on allait forcément… réussir. » Marius marqua une pause, son regard se perdant quelque peu dans ses souvenirs. Des souvenirs pour la plupart floue, mais certains particulièrement nets, comme les corps morts de ses nombreux amis. « Je pensais rentrer à tes côtés victorieux, en aillant… changé la France… » Ils auraient pu gagner… ils auraient dû gagner, renverser le pouvoir, créer cette nouvelle révolution dans le but de faire changer la France, pour que plus aucun être se sente supérieur aux autres. Pour que la république française puisse enfin prendre sa place. « Mais… » La voix du jeune homme se brisa, alors que les larmes montaient dans ses yeux. « On a échoué… »

Et ses amis étaient morts… ils étaient presque tous morts pendant que lui était vivant.

Comment avait-il pu croire une chose pareille ? La question se posait effectivement, mais en même temps c’était bel et bien ce qu’il croyait, ce qu’il avait eu envie de croire. Alors qu’au fond, peut-être qu’en réalité Marius s’était quand même dit qu’il allait mourir. Il avait été prêt à mourir de toute façon, il suffisait de voir son attitude pour le comprendre qu’il avait été prêt à mourir et qu’il n’aurait eu aucun souci à sacrifier sa vie pour la cause et donc… quand même abandonner son épouse. Marius ne répondit pas à sa question, il n’avait pas vraiment de réponse à lui apporter Et quitte à lui répondre quelque chose à ce sujet, forcément il espérait quand même que ça allait être de « bonnes » réponses.

Forcément, Cosette avait quand même beaucoup de chose sur le cœur, beaucoup de chose qu’elle avait l’intention de lui exprimer. Elle lui demanda comment il avait pu ne même pas envisager de lui en parler. Qu’il puisse jugeait qu’elle n’était pas apte à être mise au courant de ses projets, elle… sa femme. Forcément, dit comme ça, Marius ne pouvait que donner raison à Cosette. La jeune femme avait raison en affirmant qu’elle méritait techniquement de connaitre ses projets, bien sûr. Mais en même temps… eh bien, il n’avait pas pu lui dire tout ça surtout qu’il s’était lancé dans ce combat avant même d’envisager de se marier avec Cosette. Mais… elle avait raison, Marius aurait dû lui en parler.

« Je… te le promet. » Dit-il sincèrement quand Cosette lui demanda de lui promettre que ça n’arrivera plus. Il n’avait pas spécialement envie que ça arrive de nouveau, mais en même temps, Marius c’était difficile pour lui de se projeter. Après tout, il se trouvait dans ce lit, complètement amoché encore, incapable de se lever. Il ne pouvait pas réellement se projeter donc dans le fait qu’il puisse retourner au combat. « Et tu as raison, tu es ma femme, tu mérites de connaître tous mes projets. » Il n’avait aucune envie de cacher quoi que ce soit à Cosette. « Mais tout cela ne t’intéressera pas forcément. Et… je veux surtout te projeter. »

Ce n’était pas forcément que parce que la jeune femme était une femme justement, mais… oui, Marius ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’en même temps ça ne la concernait pas vraiment. Il était « vieux » jeu si on pouvait dire ça à cette époque, il n’avait aucune envie que Cosette se préoccupe de tout ça, il ne voulait pas qu’elle se penche sur la politique. Ce n’était pas quelque chose pour elle. Et ce n’était pas contre elle bien sûr, mais c’était comme ça. Il ne voulait pas pour autant mentir, bien sûr, quand il lui promettait que ça ne recommencerait plus, il était parfaitement sincère.

Pensait-il la protéger en la maintenant à l’écart ? Oui et non, il pensait surtout que tout cela ne concernait pas son épouse. C’était des affaires d’homme – même si des femmes s’étaient battus, risquant leurs vies –, cela ne concernait pas Cosette, cela n’était pas de son ressort. Et c’était quelque chose qu’il se devait de faire, à l’encontre de l’avis de Cosette… parce qu’il savait parfaitement ce qu’elle aurait répondu s’il lui en avait parlé. Non, ce n’était pas pour la protéger qu’il n’avait rien dit, c’était parce qu’il n’avait pas voulu voir la désapprobation venir d’elle, parce qu’elle n’aurait jamais accepté qu’il se batte de cette manière. Et en même temps, c’était le devoir des hommes de se battre, ça avait été le devoir de son père notamment, de risquer leurs vies. Et c’était le devoir des femmes de risquer d’être veuve… mais en effet, Marius était capable de se rendre compte qu’il n’avait pas agis de la bonne manière. Qu’il avait été égoïste et qu’il avait tenu Cosette à l’écart pour éviter de devoir se justifier. Et elle aurait pu être veuve sans même connaître ses projets, à peine l’avait-il épousé en prime.

Marius n’appréciait pas de se retrouver face au mur, de recevoir ainsi les reproche de Cosette, mais il l’avait sans doute bien mérité. Elle confirma que ses affaires ne l’intéressaient pas, mais que lui si, et que si son projet devait lui faire risquer sa vie, alors ça la concernait. Marius avait envie de la contredire, mais il avait conscience qu’il ferait preuve d’une trop grande mauvaise foi en le faisant. Il fut incapable cependant de rester impassible en entendant Cosette sous-entendre l’idée de s’approcher de la mort dans son dos. À l’idée qu’elle le fasse, il ne put s’empêcher de froncer les sourcils et d’afficher une grimace, non, c’était impensable, il ne supporterait pas qu’elle fasse une chose pareille. Comprenait-il un peu plus ce qu’elle avait ressenti ? Peut-être bien. Et il était tout bonnement mis devant les erreurs de ses actes, devant la colère de Cosette qui aurait pu le perdre. C’était facile de se retrouver à sa battre en se disant qu’on était prêt à risquer sa vie – et Marius avait vraiment pris de gros risque, il était prêt à mourir oui –, ça l’était moins de subir la colère et la tristesse de Cosette. Marius sentait son cœur se serrer en voyant les larmes dans le regard de son épouse, à l’entendre affirmer que si elle le perdait, elle allait tout perdre.

« Tout ça à commencer bien avant que… avant qu’on ne se rencontre. » Ou qu’il tombe amoureux d’elle plutôt. « Je… je ne voulais pas te faire souffrir. » Dit-il en baissant son regard. Il ne savait plus ce qui était le plus dur, la douleur physique, la douleur psychologique d’avoir perdu ce combat en perdant beaucoup de ses amis, ou de voir à ce point Cosette triste et en colère. « Mais tu n’as plus à t’en faire. » Dit-il la gorge serrée, repensant à cette nuit. « Tout est perdu. »

Marius se doutait bien que peu importait l’explication, il ne pourra pas contenter Cosette. Parce qu’au fond, la jeune femme avait parfaitement raison de lui en vouloir, d’être en colère contre lui parce qu’il ne lui avait rien dit de son combat, parce qu’il avait prit des risques pour sa vie sans se soucier de ce qu’elle pourrait vivre s’il devait lui arriver quelque chose. Marius avait pris des risques, il avait très clairement mis sa vie en danger sans penser aux conséquences et sans penser à son épouse qu’il risquait donc d’abandonner.

Et ce qui était sûr, c’était que Marius s’enfonçait quoi qu’il dise. Le jeune homme ne pouvait pas s’empêcher de se sentir perdu vis-à-vis de ce qu’il avait vécu, il avait perdu des amis, il avait ses proches mourir sous ses yeux et tout cela pour rien au final… Ils avaient en tête de révolutionner les choses, mais rien n’avait marché comme ils le voulaient. Il avait la déception amère donc, sans réaliser qu’en étant déçu que les choses soient perdues, que leur plan n’ait pas fonctionné, en étant déçu de réaliser qu’ils n’étaient pas parvenus à leur fin, il pouvait encore une fois blesser Cosette. Mais celle-ci ne manqua pas de l’exprimer.

Marius n’aurait jamais pensé avoir une conversation de la sorte avec Cosette, de l’entendre lui parler avec si peu de clémence et lui faire autant de reproche. Elle avait de bonne raison de le faire évidemment, mais ce n’était pas pour autant évident de l’entendre. Parce qu’il avait toutes les difficultés du monde à ne pas être déçu des événements, de ne pas être dépité de la manière dont les choses s’étaient passées. Comment garder espoir ? Comment réussir à voir le bon côté des choses ? Mais il fallait bien, il ne pouvait pas continuer de décevoir son épouse et la faire souffrir.

« Oh Cosette… » Il devait faire attention, ne pas se laisser trop aller, faire attention à Cosette et sa sensibilité. Ce qui n’était clairement pas évident en cet instant précis, parce que Marius peinait vraiment à accepter la déception des barricades, mais il n’avait aucune envie non plus de blesser encore plus Cosette, plus que ce qu’il avait déjà fait d’ailleurs. « Non… bien sûr que tout n’est pas perdu. » Dit-il en tentant de s’en convaincre lui-même. Il était encore dans le gaz, réalisant à peine tout ce qu’ils avaient vécu. « Je te demande pardon… ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. » Marius marqua une pause, avant de reprendre. « Je suis là… et je ne m’éloignerais plus de toi. »

Disait-il maintenant, parce qu’en cet instant précis il pensait réellement pouvoir le dire et le penser parce qu’il ne se projetait plus dans toutes ces histoires.