Luc Esprit Gillenormand

Luc Esprit Gillenormand a eu cette chance que beaucoup ne sauraient que lui envier : celle d'être né et d'avoir grandi dans un milieu aisé. D'extraction noble, il n'a jamais manqué de rien dans sa vie, et il a voué cette dernière à respecter les usages propres à son milieu. Il sait de quoi son avenir sera fait : il fera fructifier la fortune familiale. C'est son objectif, et il lui tient véritablement à coeur. A ses vingt ans, l'on trouva à Gillenormand une épouse qu'il aima du plus profond de son être. Elle lui donna deux filles, qu'il aima tout autant, et plus encore quand sa chère et tendre fut emportée par la maladie. A ses deux filles, aux prunelles de ses yeux, il donna tout l'amour dont il disposait, et elles le lui rendirent bien. Mais ces deux enfants devinrent des femmes, et d'autres hommes devenaient être l'objet de ses attentions. Ses deux filles se marièrent, et l'une d'elles épousa un certain George Pontmercy. Les deux ne se sont jamais entendu. Gillenormand n'a concédé à ce mariage que pour le bonheur de sa fille, mais sans l'approuver, normal, le père et le gendre ne pourraient pas être plus différents l'un de l'autre. L'un républicain, l'autre royaliste. Car Gillenormand est un fervent royaliste, et il ne s'en cache pas. Pour lui, la révolution n'est qu'un feu de paille et les révolutionnaires d'absurdes utopistes. Ils ne se sont jamais entendu mais ont su garder pour eux l'animosité, du moins jusqu'au jour où la fille de Gillenormand décéda, laissant un fils, Marius, orphelin.

Dès lors, Gillenormand fut décidé à s'accaparer la garde de son petit-fils. Hors de question pour lui de laisser l'éducation de Marius à un homme aux idéaux tels que ceux défendus par George Pontmercy. Il fit chanter le père pour obtenir la garde du fils, menaçant de déshériter Marius s'il n'en obtenait pas la garde. Alors que l'homme est placé en résidence surveillé par la Restauration, et laissé sans le sou par le régime de Louis XVIII, il cèda à son beau-père et se sacrifia dans l'intérêt de son fils. Gillenormand obtint la garde complète de Marius, et refusa dès lors que George Pontmercy revoit sa progéniture, ce que ce dernier ne sut s'empêcher de faire, de loin.

Gillenormand éleva donc son petit-fils selon ses propres idéaux royalistes, et n'eut de cesse de traîner le nom de George Pontmercy dans la boue, le qualifiant de "honte de la famille", mais avec beaucoup d'amour, Gillenormand considéra bien vite Marius comme son propre fils. Marius devint un frignant jeune homme, la fierté de son grand-père, qui fut aidé dans l'éducation de son petit-fils par sa soeur. Malheureusement, la relation idyllique entre le grand-père et le petit-fils ne dura pas. En découvrant la vérité sur son père à la mort de ce dernier, Marius décida de quitter le foyer familial. Gillenormand décida alors de lui couper les vivres dans l'espoir que Marius lui revienne. Ce ne fut pas le cas. Depuis, le jeune homme lui manque très sincèrement, il espère toujours le retour du fils prodigue. En vain, semble-t-il.

Gillenormand est un homme très intelligent et cultivé, mais qui ne tire pas le meilleur parti de cette intelligence. Sûr de ses opinions et du bien-fondé de ces dernières, il est des plus borné et n'accepte pas le débat. Il est convaincu que sa pensée royaliste est la seule qui vaille la peine d'être entendue. Passionnée et buté quand il s'agit de défendre ce en quoi il croit, il arrive bien souvent qu'il le fasse au mépris des personnes auxquelles il tient, comme ce fut le cas avec Marius, malheureusement, qu'il n'a jamais voulu que soutenir et protéger, malgré ce que peuvent laisser supposer les apparences.

Gillenormand est pourtant quelqu'un d'affectueux, quand il aime les autres, il ne le fait pas à moitié, loin de là, ainsi a-t-il aimé passionnément son épouse, ses deux filles, et tout autant son petit-fils, même si les circonstances actuelles ne le laissent peut-être pas imaginer. Ces derniers temps, il est d'humeur très maussade. Son petit-fils lui manque atrocement, et tandis qu'il ne va pas en rajeunissant, il a peur de ne jamais se réconcilier avec lui, et de partir en l'ayant perdu pour toujours.

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