La terre s'arrêtera pas de tourner (pv Courfeyrac)

La terre s'arrêtera pas de tourner

La nuit de l’insurrection avait été longue, et lourde de conséquences. Beaucoup de victimes étaient à déplorer. Même si cela avait toujours été une éventualité, de perdre la vie dans le combat qu’ils menaient, voir la mort en face ne laissait personne indifférent, et Courfeyrac n’échappait pas à la règle. Voir ses frères tomber avait été un véritable choc pour lui. Fort heureusement, la plupart s’en étaient tirés vivant, avec des blessures pour certains, mais en vie. Il s’était assuré que ses amis les plus proches allaient bien, mais il ne pouvait s’empêcher de penser à tous ceux qui étaient tombés.

Pourtant, il pensait toujours que leur lutte était juste, et que le peuple avait raison de se soulever, mais entre penser pouvoir affronter les choses, et être mis en face d’elles, c’était deux choses totalement différentes. Pourtant, il ne regrettait pas, et son cœur battait toujours pour leur cause. D’autant plus que reculer reviendrait à avoir sacrifier des hommes et des femmes pour rien. Non, il ne pouvait pas abandonner, et il espérait que ses amis n’abandonneraient pas non plus, mais pour l’heure, ils devaient tous se reposer, panser leurs blessures, et réfléchir à la suite des évènements.

Il n’avait aucune idée de ce qu’avait prévu de faire Enjolras, et aucune réunion n’avait été planifiée depuis la nuit des barricades, mais il n’était pas surpris. Il ne se doutait pas que même un homme aussi intègre et impliqué qu’Enjolras avait dû être secoué par tous ces évènements. Il ne serait pas bon de se presser dans tous les cas, ni de crier vengeance pour leurs camarades qui étaient tombés. Il fallait qu’ils gardent la tête froide, et qu’ils agissent avec jugement. Mais la première des choses à faire, était tout de même de se remettre de toutes ces émotions vécues avec intensité. Il allait falloir laisser un peu de temps à tout le monde. Le temps ne pourrait que leur être bénéfique, surtout pour ceux qui avaient été blessés.

Courfeyrac avait eu la chance de s’en sortir qu’avec quelques égratignures, et il avait pris la décision de tenter de venir en aide à ceux qui avaient subis de lourds dommages. Ce n’était pas grand-chose de son point de vue, mais il avait envie de se sentir utile, que tout cela n’ait pas été vain et qu’ils restent tous solidaires les uns avec les autres. Tenter de reprendre sa vie comme si rien de tout cela ne s’était passé était impossible pour lui, et il n’avait aucune envie de le faire. Il assumait ses choix, et il assumait ses actes, et surtout, il ne regrettait rien.

"Sale journée, hein"

Courfeyrac baissa les yeux vers le garçon. Il avait été soulagé de savoir que Gavroche s’en était tiré. Blessé certes, mais en vie. Evidemment, la place d’un enfant n’était pas sur un champ de bataille, mais Gavroche était du genre sang chaud qui n’obéissait qu’à lui-même. Et si Courfeyrac avait tenté de garder un œil sur lui tout du long, il y avait tout de même quelques instants où il n’avait pas pu le surveiller.

« Oui… mais cela pourrait être pire. Comment va ta jambe ? »

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Courfeyrac n’avait aucune envie de se plaindre, et ce n’était d’ailleurs pas dans son tempérament. Le jeune homme était du genre à relativiser, à sourire, et à dire que les choses allaient s’arranger. Sauf que là, il n’avait pas du tout envie d’agir ainsi, parce que des hommes étaient tombés. Des gens mourraient tous les jours, un peu partout dans le monde, mais ce n’était pas la même chose. Ils étaient tous jeunes, ils avaient la vie devant eux, et on les avait fait taire, parce qu’ils avaient voulu se battre pour la liberté, et la justice. Tout ceci avait secoué Courfeyrac, lui ôtant toute envie de rire.

Le bilan aurait pu être pire, à titre personnel. Ses amis proches, bien que blessés pour certains, étaient encore en vie. Enjolras, Marius, Gavroche, Grantaire… il savait qu’ils avaient survécu, et il en était soulagé. Il n’était pas en deuil. Il l’était d’une manière générale, pour ceux qui étaient morts, mais il était tout de même moins touché que si cela avait été l’un de ses proches. Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’était pas affecté pour autant. Il n’avait donc pas envie de se plaindre, parce que physiquement, il s’en était sorti avec deux trois égratignures, rien de bien méchant, alors que d’autres étaient pus sévèrement touchés. Comme Gavroche par exemple, qui était blessé à la jambe.

"Elle se traîne mais elle tient la route"

Ce n’était pas une réponse des plus satisfaisantes aux yeux de Courfeyrac. Il aurait préféré qu’il lui dise qu’elle se remettait, qu’il n’avait pas du tout mal, et qu’il serait bientôt guéri. Il ne savait même pas si sa jambe guérirait, même s’il était étudiant en médecine, il n’était pas magicien, et il ne s’était pas vraiment occupé des blessés des barricades, devant se remettre lui-même, émotionnellement parlant, ce qui n’était pas le plus évident.

"Et toi, comment tu vas ? Comment tu te sens ?"

Le jeune homme haussa les épaules. Il ne savait pas vraiment quoi répondre. Il était encore touché par les récents évènements. Il avait du mal à définir vraiment dans quel état il était. Parfois, il arrivait à relativiser. Il se disait que même si certains étaient morts, d’autres avaient réussi à survive, mais ce n’était pas toujours facile. Courfeyrac était un garçon sensible de nature, alors ce n’était vraiment pas évident à gérer pour lui.

« Je ne sais pas trop. Ça dépend, c’est assez changeant. C’était tout de même éprouvant, et je n’ai aucune idée de ce qu’il va se passer. D’ailleurs, si jamais tu as mal tu peux me le dire, je peux essayer de t’avoir des calmants. »

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Courfeyrac aurait envie de se montrer aussi positif, et enjoué que Gavroche, mais il y peinait grandement. Parce qu’il ne se sentait pas légitime d’être heureux d’être en vie, ou heureux de quoique ce soit d’autre. Mais c’était peut-être encore les effets de l’enfance. Gavroche était encore un gamin. Un gamin qui avait beaucoup trop vécu, si Courfeyrac avait eu son mort à dire, jamais Gavroche ne se serait retrouvé sur les barricades cette nuit-là. Mais le garçon était un électron libre, qui n’écoutait rien ni personne, mis à part son insouciance, et son envie de rébellion. Grâce à Dieu, il allait bien. Du moins, même s’il avait été blessé, ce n’était pas très grave, et surtout, il était encore en vie. Il n’était en aucun cas capable de prédire l’avenir, il se saurait dire s’ils allaient bientôt se battre à nouveau, mais il était certain qu’ils avaient tous besoin de se remettre, même Enjolras, qui était le plus fougueux d’entre eux.

En tout cas, le jeune homme ne se sentait pas de reprendre les armes dans l’immédiat, mais il le referait, quand ce serait le moment, car leur combat n’était pas terminé, et leurs frères tombés pour la justice, ne devaient pas avoir donné leur vie pour rien du tout. Et il ne doutait pas que la majorité penserait comme lui, du moins, il l’espérait. Certains se retrouveraient probablement trop marqués pour envisager de combattre encore, mais… tout cela ne devait pas avoir été vain, dans tous les cas.

"Merci, c’est gentil. Mais même quand ça m’élance un peu, ça m’dérange pas. J’aime bien avoir mal, ça aide à se souvenir."

Il hocha mollement la tête. Il ne pouvait pas le forcer, et il aurait préféré l’idée de le soulager un peu, mais il comprenait néanmoins ce qu’il lui disait. Il espérait néanmoins qu’il se remettrait vite de sa blessure. Même si ce n’était pas très grave, et qu’il devrait s’en remettre, il n’avait aucune envie que les choses durent. Quand bien même il voulait se souvenir, Gavroche était encore en pleine croissance, et il ne faudrait pas qu’il garde des séquelles plus tard, pour quand il serait adulte. Car Courfeyrac refusait de penser à l’éventualité où le jeune garçon n’y parviendrait pas. Même s’il avait réchappé à cette bataille, il y en aurait peut-être d’autres, et s’il ne pouvait l’empêcher de s’y rendre, il se promettait d’au moins l’empêcher d’y mourir.

« Alors, quels sont tes plans maintenant ? »

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C’était tout de même étrange pour Basil, de demander ce genre de choses à Gavroche. Il restait un enfant, il n’était pas censé avoir de plans, autres que ceux d’un enfant de son âge, il n’était pas censé faire la guerre, il n’était pas censé… faire tout ce qu’il faisait, et vivre tout ce qu’il vivait. Mais si Courfeyrac savait une chose, c’était bien que Gavroche n’obéissait qu’à lui-même. Il était impossible de lui faire entre quelque chose dans le crâne si le gosse n’était pas d’accord avec cela dès le début. Et pourtant, Courfeyrac aurait bien voulu que Gavroche prenne conscience de certaines choses, et consente à l’écouter pour d’autres. Mais bon… il n’était ni son frère, ni son père, et il n’avait aucun droit sur le pré-adolescent.

Gavroche n’aurait pas dû être sur les barricades ce soir-là. Ce n’était pas sa place. En tant qu’enfant, il représentait l’espoir, et cet espoir aurait pu être coupé net, si jamais le pire était arrivé. Cela ne s’était pas produit, dieu merci, mais Courfeyrac ne doutait pas que s’il y avait une autre soirée dans ce genre dans un futur plus ou moins proche, Gavroche en ferait partie, et ce n’était pas un constat qui ravissait le révolutionnaire. Loin de là. Il aurait préféré que la nuit sur les barricades ait définitivement convaincu Gavroche que sa place n’y était pas, et que tout cela était trop violent, trop dur, trop horrible pour qu’il désire y retourner, mais il ne se leurrait. Gavroche n’avait pas du tout la mine de quelqu’un qui était traumatisé par ce qui s’était passé.

"Toujours les mêmes qu'avant. J'attends juste que les réunions reprennent."

Ce à quoi il s’attendait. Mais encore une fois, cela ne le ravissait pas. Que les réunions reprennent… Courfeyrac ne s’attendait pas à que ce soit dès le lendemain. Même Enjolras, leur chef de file, avait été touché par leur bataille, ce qui était plus que normal. Il fallait que tout le monde digère un peu. Agir dans la vengeance, ou dans la précipitation, ce serait stupide. Du moins, c’était son avis, il avait prévu de discuter avec son ami prochainement, dans tous les cas, ne serait-ce que pour prendre de ses nouvelles. En tout cas, Gavroche témoignait d’une certaine impatience, mais ce devait-être aussi la fougue et l’insouciance de l’enfance, il ne percevait pas les choses de la même manière que les adultes.

« Je pense que tu vas devoir patienter encore pour cela. »

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Basil se demandait comment Gavroche percevait la situation. Après tout, il n’était encore qu’un enfant. Un enfant qui avait déjà sacrément vécu mais un enfant tout de même. Le révolutionnaire n’avait pas changé d’avis, quant au fait que Gavroche n’aurait jamais dû se trouver sur ces barricades. Tout comme il ne devrait pas se trouver parmi les amis de l’A B C. Mais l’étudiant savait que Gavroche n’écoutait que lui, et que lui dire de ne pas faire quelque chose n’aurait aucune conséquence. Gavroche ferait ce que bon lui semblait. Alors tant qu’à faire, Courfeyrac préférait garder un œil sur lui. Au moins, il pouvait tenter de le protéger comme ça. Même si garder un œil sur le garçon était une tâche ardue, tant ce dernier se faufilait partout.

En tout cas, il était au moins rassuré du fait qu’il n’avait pas péri sous les balles lors de la nuit sur les barricades. Il avait été blessé, mais il s’en remettrait. Il semblait déjà vouloir y retourner, mais Courfeyrac aurait préféré qu’il soit trop perturbé par cette soirée pour vouloir y retourner. Tous étaient très touchés, et parmi les survivants, il y en aura probablement qui ne voudraient plus combattre, ce qu’on ne pourra pas leur reprocher. Mais Gavroche non, il était égal à lui-même. C’en était déconcertant. Basil se demandait si c’était dû à son jeune âge, ou juste à sa façon d’être. Peut-être un peu des deux.

"J'suis pas si sûr, moi. J'ai parlé avec Enjolras l'autre jour. Il est paumé mais il en a encore dans la caboche, pas autant que moi mais presque. On peut pas attendre alors que c'est le moment ou jamais de s'organiser. C'est comme ça qu'on rend hommage aux morts et qu'on fait son deuil, en faisant c'qu'il faut pour qu'ils soient pas morts pour rien."

Courfeyrac ne partageait pas cette vision des choses. Chacun avait une manière différente de faire son deuil. Aller taper sur les autres n’étaient pas celle du jeune homme. Il réclamait justice, pas vengeance. La frontière était bien fine, entre les deux. Et souvent des âmes se perdaient à la frontière. Tout cela ne devait pas être vain, évidemment, mais il était d’avis qu’il fallait surtout réfléchir à leur nouvelle stratégie, pas se laisser dicter par ses émotions, et il était certain qu’Enjolras serait de son avis. Il faudrait d’ailleurs qu’il pense à aller le voir, pour prendre de ses nouvelles. Il était l’un de ses meilleurs amis après tout.

« On ne rend pas hommage aux morts en augmentant leur nombre Gavroche. Il faut s’organiser oui, mais agir dans la précipitation et nos ressentiments ne donnera rien de bon. »

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Au final, Gavroche n’était qu’un enfant. Il n’aurait même pas dû se trouver sur les barricades, mais ce n’était pas comme si le petit était capable d’écouter quelqu’un d’autre que lui-même. La seule solution pour l’empêcher de s’y trouver, cela aurait été de l’assommer et de l’enfermer quelque part, et encore, même pas sûr que cela aurait fonctionné. Mais quoiqu’il en soit, ses réflexions ne prenaient pas forcément toutes les données en compte.

Non pas qu’il était idiot, loin de là, mais il ne vivait pas forcément la situation comme le faisaient les autres. Il prenait certainement tout cela au sérieux, mais ce n’était pas pareil. Courfeyrac savait que malgré l’empressement du garçon, rien ne se ferait avant un certain temps. Tout le monde était secoué, tout le monde gardait des séquelles, physiques ou mentales. Alors leur demander de se remettre en selle, ce n’était pas la bonne solution, et ce n’était pas forcément juste pour eux aussi. Revivre un traumatisme était la pire chose qui puisse être. Les amis de l’A B C n’avaient jamais forcé personnes, mais s’ils reprenaient trop vite, et que ceux qui ne pouvaient pas ne venaient pas, ils pourraient toujours se sentir coupables, et ça n’arrangerait rien du tout.

"J'ai pas parlé de se battre là maintenant tout de suite, j'ai parlé de s'organiser. S'organiser, c'est se voir, se parler, se réunir pour élaborer de nouvelles stratégies, décider d'un nouveau plan d'action. C'est pas de la précipitation, c'est juste de l'action. Parce que là, on fait rien, et on se fait du mal en faisant rien. Y a plein de façons de se battre, et parfois, on peut se battre sans mourir pour autant."

Ça en revenait presque au même. Effectivement, s’organiser était quelque chose à faire, mais dans l’immédiat, pas forcément. Il comprenait la façon de pensée de Gavroche, mais il n’était pour le moment pas en mesure de le rejoindre totalement. Il avait besoin de temps, de reprendre ses esprits, et surtout, de faire le point. De réfléchir à ce qui était à faire, pour le moment, toutes ces morts n’avaient pas servi, la situation restait la même, reproduire tout cela serait une grosse erreur.

« Personne n’est prêt pour de nouvelles stratégies, ou un nouveau plan d’action. Je suis navré que cela te frustre, mais tu vas devoir prendre ton mal en patience quelques temps. On ne fait pas rien, on se remet, ce n’est pas la même chose. On est tous atteint Gavroche, qu’on soit en bonne santé ou pas. Personne ne s’attendait vraiment à ce qui s’est passé. »

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Courfeyrac comprenait que Gavroche pouvait ne pas voir les choses de la même manière. Après tout, il restait un gosse. Un gosse qui en avait probablement vu bien plus que la plupart des gamins de son âge, mais un gosse quand même. Il n’avait pas forcément tort, parce que Courfeyrac n’estimait pas avoir raison, mais c’est juste que là, il n’avait aucune envie de retourner sur le champ de bataille pour le moment. Il n’avait pas envie de revivre la nuit qu’ils avaient passé. Tous savaient bien que cela n’avait pas été prévu pour être une partie de plaisir, mais en même temps, ils n’avaient pas vraiment pu se préparer à ce qu’il allait se passer. Comment l’auraient-ils pu ? Oui, ils étaient partis avec l’idée que peut-être la mort les prendrait, sûrement même, mais ce n’était pas vraiment pareil de se l’imaginer et de le vivre.

Est-ce que leur lutte devait cependant s’arrêter ? Non, certainement pas. Il ne fallait pas abandonner, ou sinon, tous leurs frères d’armes, l’auraient été pour rien. Il ne voulait pas donner un discours défaitiste au jeune Gavroche, mais il ne se voyait pas proférer des paroles pleines d’optimisme en cet instant précis. Au moins, il était quelque peu rassuré, de voir que le moral du préadolescent n’avait pas été trop entaché. Courfeyrac se souciait énormément de Gavroche, il était comme un petit frère pour lui, alors il ne s’en serait probablement pas remis s’il avait dû lui arriver quelque chose, ou s’il avait été traumatisé, ce qui ce serait compris. Mais il en fallait plus pour venir à bout du petit Thénardier.

"C'est pas totalement vrai, on était tous partis pour mourir. On s'attendait pas à survivre, surtout, et c'est ça qui nous fout dedans. On voulait mener l'ultime combat, et on doit r'partir à la guerre. Pour sûr, ça décourage, mais c'est s'mentir de croire qu'on s'en remettra, on s'remettra, ça nous restera. Alors c'est à nous de décider d'en faire quelque chose, c'est tout."

Ils étaient tous partis avec l’idée de mourir peut-être, mais ce n’était pas pour autant que cela ne devait leur faire ni chaud ni froid. Ni même qu’ils étaient vraiment préparés à tout ceci. Mais il reconnaissait qu’il y avait une part de vérité dans ce que disait Gavroche. Mais le jeune garçon devait s’y faire, ils ne reprendraient pas les armes tout de suite. Evidemment, le délai ne devait pas s’allonger, mais repartir tête baissée serait une erreur, il leur fallait s’organiser, mais ils devaient se montrer prudents. Leur combat devait continuer, mais le but n’était plus qu’ils aillent tous à la mort.

« Personne ne compte ne rien faire, enfin je ne pense pas, je ne veux pas parler au nom de tous. Peut-être que d’autres pensent que toi, peut-être que non, mais on se rassemblera à nouveau, quoiqu’il en soit. »

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Courfeyrac n’avait vraiment pas la patience, ni l’énergie nécessaire pour tenter de faire entendre raison à Gavroche. Cela ne servait strictement à rien de tenter de faire entrer quelque chose dans la tête de cet enfant. Elle était bien trop dur. Ça n’avait pas que des mauvais côtés, évidemment, mais dans ce cas précis, c’était se confronter à un mur, alors Courfeyrac préférait laisser tomber. Il comprenait l’impatience du jeune garçon, mais il allait tout de même devoir faire avec. Même si Gavroche était capable d’aller se battre tout seul, il fallait veiller à ce qu’il n’en fasse rien et qu’il attende que les choses se remettent en place.

En attendant, il fallait reprendre des forces, panser ses blessures, aussi bien physiques que psychologiques, et monter un plan sérieux. Mais ça ne serait pas pour tout de suite. Enjolras avait toujours été considéré comme leur leader, et il savait que ce dernier en avait pris un coup, comme tout le monde. Ce qui était normal. Même si leurs idéaux n’avaient pas du tout changé, enfin en tout cas concernant Courfeyrac ça n’avait pas changé, mais ils avaient besoin de se recentrer, et de reprendre leurs esprits. Foncer tête baissée, en quête de vengeance serait une erreur, et ne servirait qu’à augmenter le nombre de morts.

Mais puisque Gavroche ne l’entendait pas de cette oreille, et qu’il était encore plus têtu qu’une mule, ce ne servirait à rien de continuer à argumenter. Chacun avait le droit d’avoir ses idées, et son avis, même à un âge aussi jeune que celui du petit Thénardier. Mais ça ne le rendait pas moins légitime, ou moins pris au sérieux pour autant.

"Ben vivement. On en a tous besoin. Enfin c'est bien, toi au moins tu me dis pas que j'ai plus à intervenir là-dedans"

Parce qu’il savait pertinemment que ça ne servirait à rien. Gavroche n’en faisait qu’à sa tête, alors quel intérêt de lui sommer de rester en dehors de combats ? Pourtant, Courfeyrac le considérait comme un petit frère, et il aimerait que Gavroche se tienne éloigné de tout cela, mais à moins de l’enfermer quelque part, et encore, il savait bien que le garçon n’en ferait rien, parce qu’il n’était pas du genre à faire des concessions, ou à écouter ce que pouvaient lui dire son entourage.

« Pourtant je n’en pense pas moins. »

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Non, Courfeyrac ne pensait pas que la place de Gavroche était sur les champs de bataille. Il avait le droit d’avoir des convictions, il avait le droit de vouloir se battre pour ces convictions. Mais la vie d’un enfant ne devrait pas être sacrifiée ainsi. Gavroche était libre de faire de ce qu’il voulait, parce qu’il était totalement émancipé, mais… Basil avait du mal avec cette idée. Parce qu’il voyait le gamin comme un petit frère. Et c’était peut-être un peu de mauvaise foi, mais il voulait protéger ses proches. Mais il était conscient que Gavroche n’écouterait personne, encore moins ceux qui voulaient le mettre à l’écart de tout cela, alors à quoi bon le lui dire ?

Il se doutait bien que ça n’allait pas faire plaisir à Gavroche, mais il préférait se montrer honnête. Il ne pensait pas que sa place était sur les barricades, mais il n’avait pas le pouvoir de le faire rester hors de tout ça, alors il ne contentait de ne pas en parler avec luI. Cela ne ferait qu’amener des débats stériles, et ce n’était vraiment pas le but. Il n’avait pas l’énergie pour ça. Avec tout ce qu’il avait vécu, il n’avait vraiment pas envie de se confronter à Gavroche, vraiment pas.

"Si t'en penses pas moins, je préférerais que tu le dises, tu vois, ce serait plus honnête. Bon, ça changerait rien, j'en ferais quand même qu'à ma tête, et c'est bien qu't'en aies conscience, mais ce serait plus honnête de ta part, au moins."

Courfeyrac poussa un soupir, et voilà… Il avait l’impression que le jeune garçon avait tout le temps envie de se confronter à quelqu’un. Il ne savait pas où il trouvait toute cette énergie, c’était presque impressionnant. Mais Courfeyrac n’entrerait pas là-dedans, il n’en avait pas vraiment pas l’envie. Il ne savait pas si c’était un reproche, ou pas, mais il ne voulait pas se prendre la tête avec lui. Ce n’était pas du tout le moment pour ce genre de choses.

« Je ne vois pas en quoi j’ai manqué d’honnêteté. Tu m’as posé la question je t’ai répondu. En sachant que te le dire ne sert à rien ce n’est pas être malhonnête, c’est juste que je n’ai pas l’énergie de m’embarquer vers un débat stérile Gavroche. »

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